UNE LETTRE PRÉMONITOIRE DE 2023

En mai 2023, j'avais écrit une lettre à notre premier ministre actuel en réponse à une interview diffusée dans la presse. Elle n'avait pas été diffusée mais me semble rester d'actualité. Je la soumets à votre critique:

MISSIVE À FRANÇOIS BAYROU, DÉMOCRATE ET CHRÉTIEN                      Mai 2023

Permets-moi d’abord de te tutoyer, même si nous ne nous sommes jamais rencontrés, parce que je communie régulièrement avec tes actes d’équilibre et de conciliation dans le respect de l’autre et la recherche de la paix !

Autorise-moi la critique de ton interview d’avant-hier dans ce journal où tu as déclaré : « Ne faisons pas un service public pour donner la mort ! », t’opposant ainsi, et à l’euthanasie, et au suicide assisté !

Admets que par ce propos tu es plus chrétien que démocrate ! Sache que je suis démocrate avant d’être chrétien dans une France laïque, mais que j’admire le Christ, cet homme qui a dit : « Aimez-vous les uns, les autres ! ».

Sache ainsi qu’on peut croire en Jésus tout en donnant la mort, tout en doutant de Dieu qui est bien loin des fourmis que nous sommes bien qu’il nous ait adressé ses commandements dont le sixième n’est pas : « Tu ne tueras pas », mais : « Tu ne commettras pas de meurtre », erreur de traduction, puisque Moïse, au retour du Sinaï et porteur des tables divines, ordonne à son frère de faire massacrer trois mille juifs qui, en son absence, avaient adoré le veau d’or !

Explique-moi pourquoi des médecins catholiques pratiquent maintenant l’euthanasie dans son sens intégral (accompagnement toujours, soins palliatifs et aides à mourir si nécessaire) au Benelux et en Espagne ? Pourquoi cela ne serait-il pas possible en France tout en attribuant un pouvoir de réserve aux soignants qui s’y opposeraient ?

Écoute les suppliques des patients dont la mort ne vient pas alors qu’ils la réclament dans le respect de leurs libertés individuelles ! Je les entends mais, t’ayant écouté, je souhaiterais surtout que la prochaine loi légalise l’euthanasie, éventuellement réalisée par un « euthanasieur », et, à l’inverse des tendances actuelles, je défendrais moins le suicide assisté qui tend à responsabiliser de courageux patients pour décharger les médecins.

Comprends que, collégialement, à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, j’ai pu donner la mort et que, si j’en fus triste, j’en suis encore fier !

Professeur Bernard Lebeau, pneumologue et cancérologue.